Avant de nourrir des bovins, de fauciller les ronces sur les talus, de reclouer les barrières, il y eut le jeu — pas si loin, une cinquantaine d’années — qui consistait à installer une ferme, chaque jour une nouvelle ferme, contre les racines des tilleuls, sur la terrasse, ou dans un coin cendreux de la cheminée. Aujourd’hui que disparaît l’agriculture traditionnelle, deux poignées de petits sujets descendent du grenier où ils attendaient la résurrection. Posés dans la cour d’une ferme, sur le sable que tassent pas et roues, contre les pavés polis autrefois par les fers des chevaux, ils s’y reconnaissent tant qu’il est insupportable de les mener ailleurs. L’auteur s’est servi de ses propres jouets, conservés depuis une cinquantaine d’années et qui, au même titre qu’une enfance rurale, ont peut-être déterminé une passion pour les fermes et l’agriculture, manifestée dans ses écrits comme par son élevage actuel de vaches Maine-Anjou. La démarche est à la fois d’humour et de tendresse. Humour parce qu’il s’agit de jouets qui font les gestes de la vie sans que leur socle vert soit même dissimulé ("c’est un jeu proposé à l’œil du spectateur"). Tendresse parce qu’on devine devant ces photographies la connaissance précise et l’affection profonde pour la vie agricole d’un photographe penché au ras de petits personnages occupés à leur besogne et que son déclic anime au lieu de les figer.
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